Le 9 avril dernier, l’association « Je me souviens de Ceux de 14 » organisait chez Olivier et Anne-Marie Mitterrand, une soirée à la mémoire de Maurice Genevoix et sa fille, Sylvie.
Compte-rendu de Bertrand de Saint Vincent dans le Figaro du 13 avril 2013
Une certaine idée de la France
Lectures de Maurice Genevoix
« On attend ce cher Erik Orsenna ! » Bien droite sur des fauteuils recouverts d’un tissu de fantôme ou campée sur un canapé de velours rose, une assistance élégante est venue, à l’invitation de Bernard Maris, cultiver ses souvenirs. Celui de son épouse, Sylvie Genevoix ,disparue l’an dernier, et de ce père Maurice, pour lequel elle « s’empêcha longtemps de vivre » ,dira son amie Françoise Xénakis. « C’était une guerrière », ajoutera l’auteur aux lunettes roses. Elle avait de qui tenir. Maurice Genevoix, sous-lieutenant d’infanterie ,avait survécu à l’hécatombe de 14. Il fit de ses champs de bataille le nœud criant de vérité de son œuvre. A la veille du centenaire de cette guerre du crépuscule ,membres de l’association « Je me souviens de Ceux de 14 », Olivier et Anne-Marie Mitterand reçoivent dans les salons de leur appartement du Champ-de-Mars. Rêveuse bourgeoisie ,fidèle à son devoir de mémoire. Les petits enfants de l’auteur sont là, Charlotte et Julien; Alain Decaux et René de Obaldia; François Bott et le général Elrick Irastorza, ancien chef d’état-major de l’armée de terre. Au moment des projections ,on piétine devant la technique : « Le câble est-il branché ? ». L’ennemi nous a toujours été supérieur en matériel.
Daniel Pennac déclame d’une voix apaisante, Patricia Martin lance ses phrases comme la cavalerie. C’est une journaliste de radio. Erik Orsenna conclut par un hommage à l’homme qui lui a donné le goût des forêts. Entre-temps, les images sont revenues. Sylvie Genevoix a parlé de son père, ce jeune homme parti à la guerre à 23 ans qui connut l’épouvante et dut inscrire, en face des noms de ses camarades de l’École normale, ce simple mot de trois lettres : Tué. Et l’on aura revu Maurice Genevoix revivre à travers sa lecture enfiévrée l’enfer des tranchées : le sifflement court des hommes qui s’éteignent, les râles des blessés – Mon pied ! Mon épaule ! Ma joue ! -, les appels au secours – Mon lieutenant, vous me couperez bien la jambe ! -, la rage impuissante – Brancardier ! Brancardier ! Personne n’est venu. Plus d’un million de soldats sont tombés pour la France. Ce soir, ils sont debout.