Avant la Guerre, ils étaient deux amis, habitants d’un même village. Ils sont partis ensemble, mobilisés de la première heure. L’un, poète, optimiste, innocent, sensible à la bonne chère ; l’autre, réaliste, pessimiste, cynique, sensible à la belle chair.
L’un est vivant. L’autre mort. Ils se retrouvent pourtant en un « entre-deux-mondes ». Les souvenirs sont vifs, les émotions à vif.
1914. Partout en France, un jour, sonna le tocsin depuis tous les clochers. La guerre était là, la mobilisation : peurs et craintes, exaltation aussi… Dès lors, la jouissance de l’enfance et la force de l’enthousiasme sont confrontées à l’évènement. C’est le premier combat. Mais la fleur au fusil fane vite. Le Poilu naît après les premiers affrontements d’août et septembre 1914 – premières batailles, premières défaites.
Le quotidien se résume alors à une question : comment survivre ?
Pour y répondre, nos deux personnages vont nourrir leurs manques. La femme pour l’un. La faim pour l’autre. La femme : quittée, elle devient femme de l’arrière, la Poilue, la Marraine, la Madelon… Les lettres et les rêves érotiques sont là comme des variations, des promesses. La faim : la survie passe par les souvenirs de cuisine, de recettes, d’odeurs, la mémoire de la saveur et du goût de la vie en temps de paix. Ils jouent, débattent, se moquent, s’amusent, revivent au plus près l’horreur qu’ils ont vécue et sont repris par le présent des évènements qu’ils racontent.
Leur mémoire est vive, fragile, instable. Le passé et le présent, le pendant et l’après, se mêlent. Se retrouvant sur les ruines encore fumantes du passé, ils se souviennent…
Le récit « Les Poilus » porte l’espoir de ces Hommes entraînés en une tempête qui dépassa en force et en atrocités l’imaginaire des États-majors eux-mêmes. Le spectacle fait entendre une voix dissonante et toujours poétique, qui parle aussi d’amour. Offert au public comme une épopée, le spectacle est interprété par deux personnages, l’un revenant de l’autre monde, le second n’en étant pas revenu…
Un lieu, un entre-deux-mondes, une terre sans hommes, un lieu chargé de l’histoire de la vie des hommes, toujours « habité ». Cet entre-deux, où les unités de temps et de lieux sont abolies, définit et relie deux espaces imaginaires et réels : passé/présent, là-bas/ailleurs, rêve/réalité, jour/nuit, vie/mort, devant/derrière, sommet/abîme, je/nous, elle/eux, sphérique/cubique, etc.
Rejoindre son ami, le compagnon des combats. Tout revivre avec lui… Telle sera la voie du Poilu pour retrouver sa part d’humanité. Une saisissante catharsis entre sidération et libération.
Au-delà des faits, la mémoire historique ne serait-elle que la somme de plusieurs mémoires émotionnelles ?
L’incertitude est renforcée par l’état de guerre permanent dans lequel évoluent nos personnages. Ils devront trouver leurs chemins et survivre.
Car c’est bien de cela dont il s’agit : comment, en temps de guerre, le soldat (de métier, jeune appelé, enrôlé de force) vit de l’intérieur le bouleversement extérieur, à la fois témoin et acteur ? Comment et à quoi se raccroche-t-il pour survivre au milieu des désastres ? Puis au retour, comment reprendre pied dans la vie avec les blessures physiques et psychiques ?
Tout en dénonçant la situation la plus absurde, la plus horrible, le spectacle « Les Poilus » interroge l’ambivalence du « Héros » de guerre : ses limites et ses mérites, son courage, sa fierté, ses peurs, sa désespérance, son abnégation, son amour.
L’uniforme et l’attribut n’abolissent pas l’identité.
Dans les tranchées, le Poilu redécouvre les vertus de la tribu.
Retrouvez la pièce de théâtre « Les Poilus », label « Centenaire » de la Mission du Centenaire 14-18, et adaptation inédite du livre de Joseph Delteil » LES POILUS », écrit en 1926.
Actuellement en résidence de création, la première représentation aura lieu le mardi 21 janvier 2014 au Théâtre Jean Alary de Carcassonne à 20h30.
Réservations : 04 68 25 33 13.