Le 106e R.I.

Deux mois et demi d’un affrontement insensé. Douze mille morts côté Français, autant côté Allemand. De février à avril 1915, la bataille des Eparges creuse dans la campagne meusienne la première cicatrice de la Grande guerre. L’une des plus meurtrières aussi. Les Allemands tiennent la crête qui domine la plaine de Metz, alors en Allemagne. Les Français s’acharnent à les en déloger. Bombardements, torpilles, corps à corps…

Sous un déluge d’obus, neige et boue mêlées, deux hommes parmi des milliers d’autres. Le jeune lieutenant Genevoix et Jules Terrière, 34 ans, natif des Hurlus, qui deviendra l’un des cinq villages disparus de la Marne. Maurice et Jules ne se connaissaient probablement pas. Mais Florent Deludet, lui, les a depuis longtemps rassemblés dans son Panthéon intime. Florent, 46 ans, Châlonnais pur sucre, est l’arrière petit-fils de Jules. Un féru d’histoire, c’est peu dire. Avant de plonger dans la première guerre, Florent s’est d’abord intéressé à la seconde.

Puis il est tombé sur les médailles et la photo de son aïeul blessé aux Eparges le 17 ou 18 février 1915. Et la Der des Der ne l’a plus quitté.

Depuis sept ans, Florent court sur les traces des anciens du 106e régiment d’infanterie, celui de Jules et Maurice. La réalité rejoint le récit romanesque. « Les personnages de Ceux de 14 ont existé. Je les cherche… », dit-il. Spéléo
es mémoires familiales, il collecte, compulse, explore… Tout y passe : archives départementales, sites internet, documents militaires… De Bretagne

à Marseille, de Châlons à Angers, le jeu de piste a fini peu à peu par prendre chair, cœur et âme.

Florent a retrouvé une vingtaine de familles, qui lui ont confié lettres et photos.

A Soissons, la fille d’un poilu (décédée depuis) lui a raconté l’histoire de son père, ténor aux concerts Colonne, devenu après guerre l’architecte de la reconstruction de l’hôtel de ville local. Lui aussi était au 106e. Dans les années 60, l’homme avait contacté Genevoix. Deux anciens du 106e s’étaient ainsi retrouvés. De tout cela, Florent sait tout. Sa tablette numérique déroule sans fin les clichés jaunis d’une collection inédite où les personnages du roman, peu à peu, reprennent vie et visages.

La semaine dernière, Florent s’est rendu sur le tournage. Observateur pointilleux mais indulgent. La reconstitution n’intègre qu’une douzaine de personnages du livre. De lecture en relecture, lui en a compté 250 ! Faute de tous les retrouver, il continue sa quête et lance un appel, tel une bouteille à la mer.

Lecteurs, fouillez vos vieux albums de famille, vos greniers, vos armoires ! Il y a peut-être, glissé entre les pages sépia, le portrait d’un ancien du 106e dont une bonne moitié de l’effectif était originaire de la Marne, du Sud des Ardennes, de l’Aisne. « Dans les familles, il y a aussi, forcément, des portraits de Genevoix », assure Florent. Sur une carte postale, lui-même croit reconnaître dans la silhouette d’un officier à casquette sombre celle de l’écrivain. Florent est disposé à tout scruter, vérifier, recouper. Prêt à tout, pourvu que ces héros-là, l’espace d’un livre, d’une exposition peut-être, sourient à nouveau. Qu’on se le dise…

Pour s’informer ou contacter Florent Deludet :
03.26.67.56.50. ;
web : ceuxdu106.overblog.com ;
mail : ceuxdu106@gmail.com

(Article publié dans l’Union Presse : http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/sur-les-traces-du-106e-ri)

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