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photo MemA l’avant veille de l’inauguration du Nouveau mémorial de Verdun par le Président de la République et la Chancelière Fédérale allemande, retrouvez un extrait du discours prononcé par Maurice Genevoix, Président Fondateur du Mémorial, le 17 septembre 1967.

Discours prononcé par Maurice Genevoix 

Inauguration du Mémorial de Verdun 

Fleury-devant-Douaumont, 17 septembre 1967 

« Voici donc [le] Mémorial, celui des morts et celui des vivants, désormais inséparables. Il était bien que non loin de l’Ossuaire où gisent tant de morts confondus, les pèlerins de Verdun puissent parcourir ici même, sur un des lieux de leur long sacrifice, les étapes de leur calvaire. Ce qui a compté ici, au-delà de la peine des corps et de leurs souffrances indicibles, c’est en effet l’esprit de sacrifice. « Voici les champs des hommes perdus, abandonnés, accrochés aux lèvres des trous d’obus, sans contacts à droite et à gauche, sans liaison avec l’artillerie, sans tranchées pour s’abriter… » On peut en croire le chef qui les comprit si bien et que je viens de citer, lui aussi et avec eux soldat et vainqueur de Verdun, le général Philippe Pétain. Et il disait encore :  » nos hommes souffraient et peinaient au-delà de ce que l’on peut imaginer ; ils accomplissaient leur devoir avec simplicité, sans forfanterie et, par là, ils touchaient au sublime « .

Ainsi s’explique leur fierté, si souvent méconnue et parfois, hélas! décriée. Dans l’occasion présente, des anciens de Verdun ont voulu m’envoyer des relations écrites de leur passage en pleine fournaise. Et, les lisant entre les lignes, j’avais le sentiment que ce sergent, ce jeune sous-lieutenant pensaient dans leur for intérieur :  » Ce jour-là, à cette heure-là, c’est moi qui ai sauvé Verdun  » . Loin d’en sourire, je les comprenais. Car c’était là,  » sans forfanterie « , pour reprendre le mot de leur chef, la vérité. La force morale d’une armée, sa constance dans l’épreuve du combat que seraient-elles, faute du courage de chacun ?

Monsieur le Ministre, mesdames, messieurs, ceux qui sont là, autour de moi, devenus à présent de vieux hommes, restent aussi des survivants. Ce que cela veut dire ?…. En cet instant je vois encore des plaies qui saignent, de jeunes corps qui agonisent. J’entends encore, dans la nuit pluvieuse, leurs plaintes, leurs voix qui crient mon nom, qui m’appellent, car je les aimais bien et ils me le rendaient. Je sens encore dans ma chair même, pareil à tant d’entre nous, l’attention de leurs pas accordés tandis que sous les obus, au sifflement des balles pressées, debout, sans hâte, héroïques, ils m’emportent vers le poste de secours, vers le salut……

Ce Mémorial, pour vous, les Anciens, c’est aussi cela, n’est-il pas vrai ? Tout homme, au long de son existence, lorsqu’il regarde autour de soi, devrait pouvoir dénombrer sur sa route les compagnons de sa jeunesse, avec lui mûrissant, vieillissant. C’est une des joies de la vie ici-bas, normales et bonnes. Nous autres, à peine sortis de l’adolescence, quand nous nous retournions ainsi, nous ne voyions que des fantômes. Mutilés dans notre corps, mutilés dans nos amitiés. Voilà la guerre. Désormais, derrière nous, il y aura ce Mémorial. Il est aussi, il est encore cela : il nous rend, avec notre passé commun, nos camarades toujours vivants.

Nous vous le remettons, monsieur le Ministre des Anciens Combattants ; et, par vous, à notre pays ; et, par lui, aux centaines de milliers d’hommes et de femmes, nos semblables, qui viendront s’y recueillir. Jeunes et vieux, amis, ennemis réconciliés, puissent-ils emporter de ces lieux, au fond d’eux-mêmes, une notion de l’homme qui les soutienne et les assiste !

Quel vivant n’en aurait besoin, en ces temps toujours incertains ? Puisse la lumière qui va veiller ici les guider enfin, vers la Paix ! »

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